Le suprarecyclage, un outil de valorisation humaine
Récits
Hla Hla Yee vit à Dala, une localité birmane défavorisée. C’est une suprarecycleuse. Elle fabrique une gamme de produits colorés à partir de sacs de plastique fondu. « Il me faut environ trois heures pour fabriquer un sac à provisions, explique-t-elle. J’aime mon travail, car il me permet de bien gagner ma vie et de nourrir ma famille. »
Cette femme de 51 ans est une couturière aguerrie. Elle travaille pour ChuChu (mot qui signifie « sac de plastique » en birman), une entreprise sociale spécialisée en suprarecyclage. ChuChu est née en 2014 dans le cadre d’un projet pilote triennal subventionné. Aujourd’hui, c’est une entreprise indépendante prospère, qui apprend aux femmes et à leur famille à transformer certains rebuts (sacs de plastique, parapluies et pneus de bicyclette, par exemple) en sacoches, ceintures, sacs et biens ménagers écologiques. Ces produits sont vendus à l’atelier de ChuChu et dans des boutiques un peu partout au Myanmar (Birmanie).
« Avant, nous ne nous occupions pas des déchets qui nous entouraient, explique Sen Sen, cofondatrice et designer en chef de l’entreprise. Mais depuis la création de ChuChu, les gens font plus attention. » D’après elle, en découvrant le potentiel créatif du suprarecyclage, les gens ont pris conscience des tonnes déchets jetés dans la région de Yangon chaque jour et ont commencé à agir.
« Les gens remarquent davantage les déchets et participent plus au nettoyage. Mais ça va beaucoup plus loin, souligne Sen Sen. ChuChu a aussi comme mission d’autonomiser les femmes. L’entreprise est dirigée par des femmes, qui sont aussi responsables des groupes familiaux qui fabriquent les produits. »
Les artisanes de ChuChu vivent dans les villes et les villages des environs de Yangon et dans les régions plus au nord des États de Chin et de Rakhine. Ces parties du Myanmar sont extrêmement touchées par la pauvreté, les conflits et la crise environnementale. Bien des gens doivent survivre avec moins de 4 $ par jour. Et la situation s’est détériorée dans la foulée de la pandémie de COVID-19.
Grâce à leur travail pour ChuChu, les artisanes peuvent désormais faire vivre leur famille, ce qui a un effet d’entraînement dans toute la communauté. Bogelay, une région de pêcheurs, en est un bon exemple. Les femmes y fabriquent des sacs de transport pour la mousson à partir de vieux parapluies. En 2008, le cyclone Nargis a dévasté la région, qui ne s’en est pas encore remise. Les villageois dépendent de la pêche pour leur survie. Or la bonne saison ne dure que trois mois. Grâce à ChuChu, les familles peuvent gagner un peu d’argent en ramassant et en nettoyant le tissu des parapluies, puis en le cousant pour en faire des sacs. Comme ces sacs doivent ensuite être livrés à ChuChu, la compagnie de bus et les conducteurs de moto-taxi, de chaloupe et de cyclopousse gagnent de l’argent.
ChuChu a aussi des retombées bien au-delà du Myanmar. La coopérante-volontaire Hanna Karin, qui a été designer et conseillère en marketing pour ChuChu de 2018 à 2020, a ramené le concept du suprarecyclage dans ses bagages.
« J’ai décidé de transmettre aux Canadiens ce que j’ai appris sur le terrain, explique-t-elle. Être coopérante-volontaire pour Cuso International m’a ouvert les yeux sur de nouvelles façons de faire des affaires. »
Cuso International assure une présence en Asie du Sud-Est et s’engage à poursuivre son travail dans cette région. Nos programmes y ayant pris fin au début de 2020, nous étions en train d’explorer de nouvelles avenues lorsque la pandémie a frappé la région. Ce fut particulièrement dévastateur pour les communautés où nous étions présents, mais comme le dit si bien Tim Cooke, notre représentant en Asie du Sud-Est, « la volonté de continuer à collaborer avec des ONG reconnues comme Cuso International est bien présente ».
Photos : Brian Atkinson
En haut : Suan Huai, formatrice chez ChuChu à Dala, au Myanmar
En haut : La coopérante-volontaire Hanna Karin à Dala, au Myanmar