Agir collectivement pour atténuer les changements climatiques dans les communautés afro-colombiennes
Récits
Dans les communautés afro-colombiennes de la côte Pacifique d’Amérique du Sud, la population constate des changements dans les conditions météorologiques et l’emplacement des stocks de poisson. Mais comme ces communautés ont un accès limité à Internet, elles ont du mal à obtenir de l’information sur les enjeux climatiques.
C’est ici qu’entre en scène Sebastián Martínez Silva, un biologiste montréalais et volontaire de Cuso International. Sebastián collabore avec un partenaire local, la Fundación A-Kasa, pour aider les communautés à mieux comprendre les conséquences négatives de la dégradation de l’environnement et les moyens de les atténuer.
« Une partie de notre stratégie consiste à outiller les membres de la communauté afin qu’ils gèrent eux-mêmes la situation et qu’ils participent aux mesures qui amélioreront leurs conditions de vie », explique Sebastián.
Avec ses collègues de la Fundación A-Kasa, un partenaire de longue date de Cuso International, Sebastián voulait d’abord discuter d’écotourisme et de changements climatiques avec la population. Il s’est toutefois vite rendu compte que les femmes n’avaient pas voix au chapitre quant aux décisions financières ou commerciales. « C’est devenu important d’inclure ce sujet dans nos conversations », précise le biologiste montréalais.
De concert avec la Fundación A-Kasa, Sebastián a lancé plusieurs ateliers dans les villages côtiers colombiens de Mulatos, d’Iscuandé, de Cuerval et de Playa Chacón. « Nous voulions que les gens comprennent le potentiel et les possibilités de gestion de leur propre développement », souligne Sebastián.
Les ateliers abordent également la notion d’égalité des genres, l’importance du travail des femmes dans la communauté, les conséquences des changements climatiques et l’incidence positive d’une meilleure compréhension de ces enjeux sur la communauté. Des propositions d’entreprises écologiques (comme la transformation du cacao, l’écotourisme et la vente d’artisanat fait de matériaux local et responsable) ont également fait l’objet de discussions.
Ana Virginia Campaz, une infirmière du village de Soledad Pueblito, est consciente que les ateliers aident la population à comprendre l’importance de ces enjeux. « Les changements climatiques et les autres enjeux abordés sont beaucoup plus clairs pour moi maintenant, explique-t-elle. C’est motivant de bien comprendre le comment et le pourquoi de ce qui nous arrive et des changements qu’on observe au quotidien. » Ana fait partie des 70 personnes qui ont participé aux ateliers, dont la majorité étaient des femmes et des personnes de moins de 30 ans.
Pendant la deuxième série d’ateliers, Sebastián s’est aperçu que les hommes étaient de plus en plus nombreux aux séances sur les enjeux de genre. Ce fut l’occasion de discuter du fait que les hommes n’ont pas besoin de parler fort et d’être agressifs, que les femmes ne devraient pas être les seules à cuisiner les repas et qu’il est important d’écouter le point de vue des femmes. « C’est très important parce que tout le monde doit être assis à la même table pour parler des questions de genre », précise Sebastián.
Les ateliers ont aussi pris une tangente entrepreneuriale très particulière. Les gens ont appris à démarrer et développer des entreprises écologiques en utilisant leurs ressources naturelles de façon responsable. Les ateliers visaient également à renforcer l’importance d’inclure les femmes dans l’idéation, le démarrage et la gestion d’entreprises.
« Si la communauté tire plus d’argent de la commercialisation d’une ressource, mais que les femmes n’ont pas leur mot à dire sur l’utilisation de l’argent qu’elles gagnent, nous ne serons pas plus avancés, souligne Sebastián. Mais il faudra du temps pour changer les mentalités. »
Deyanira del Carmen Erazo Paredes, une mère de trois enfants, a participé à ces ateliers. Peu de temps après, la femme de 57 ans a noté des changements dans la communauté, comme l’utilisation d’assiettes réutilisables au lieu d’assiettes jetables. Avec un petit groupe de femmes, elle a démarré un établissement écotouristique. Son objectif : faire croître leur entreprise et changer la mentalité des jeunes concernant les changements climatiques afin qu’ils agissent concrètement.
« Je sais qu’ils ne s’en rendent pas compte actuellement, mais avec le temps ils réaliseront que la pêche est un bon travail et une bonne source de revenus. Ils réaliseront aussi toutes les autres choses qu’on peut faire pour gagner sa vie, explique-t-elle. Nous avons commencé à voir notre territoire différemment. Nous voyons maintenant son potentiel. De plus en plus de jeunes veulent participer aux ateliers. Ils veulent apprendre. »
De son côté, Sebastián apprend énormément auprès des villageois et villageoises en partageant leurs activités quotidiennes, dont la pêche et la préparation des repas. Il a maintenant une meilleure vue d’ensemble des besoins de chaque village et des projets que les gens souhaitent démarrer. Il a d’ailleurs très hâte d’organiser d’autres ateliers en 2023. Il aimerait en profiter pour adapter davantage ses stratégies aux différents villages. « Je veux que tout le monde participe. Même si seulement 10 % des gens utilisent l’information transmise, ça fera déjà une énorme différence », conclut Sebastián.
À la fin de l’un des ateliers, Derlin, une jeune participante, a raconté à Sebastián que presque tous les membres de sa famille et de son entourage lui disent de fonder une famille. Or, elle rêve de partir pour Cali afin de devenir ingénieure. « Je sais qu’en faisant des études je pourrai contribuer davantage à la lutte aux enjeux climatiques dans mon village », explique Derlin.