Un goût de pas assez

Récits

Women holding banners and signs

Six mois avec Cuso International au Honduras comme coopérante-volontaire dans une organisation de défense des droits des femmes, ce n’était vraiment pas assez pour Kristjanna Grimmel. Elle est donc finalement restée deux ans. De plus en plus investie dans son travail auprès du Centro de Derechos de Mujeres (Centre des droits des femmes), cette Albertaine experte en communication a décidé de rester là où on avait besoin d’elle, c’est-à-dire à Tegucigalpa.

J’ai compris que tout ce qui touche aux droits de la personne exige des efforts très soutenus, a déclaré Kristjanna. « La prolongation de mon affectation m’a donc semblé fondamentale et m’a amenée à participer à des projets importants et à nouer des relations plus solides. »

Kristjanna a travaillé avec Neesa Medina, une spécialiste en analyse comparative entre les sexes, pour préparer des plans stratégiques, des propositions de collecte de fonds et des campagnes de communication sur le droit du travail, la santé sexuelle et reproductive et l’élimination de la violence faite aux femmes.

Les coopérantes-volontaires Claudia Molina 2017, et Kristjanna Grimmelt 2017, en compagnie de Nahomi Fernandez, étudiante et bénévole.

Le Centro de Derechos de Mujeres, l’une des organisations féministes les plus anciennes du Honduras, a consacré plus de 25 ans à la défense des droits des femmes et à la promotion de la première loi sur la violence conjugale en 1997. Plus de deux décennies plus tard, l’orga-nisation continue d’exiger des changements. Selon ses recherches, une femme est assassinée toutes les 16 heures au Honduras. En 2015, 2 200 femmes et jeunes filles ont déclaré avoir été agressées sexuellement. L’année suivante, 775 filles de 10 à 14 ans ont accouché après avoir été agressées sexuellement, généralement par des membres de leur famille. Ces victimes obtiennent rarement justice.

Un rapport de 2015 de la Commission interaméricaine des droits de l’homme mentionne un taux d’impunité d’environ 95 % pour les crimes contre les femmes. Et malgré les taux élevés de violence sexuelle, l’avortement

reste en tout état de cause un crime. La pilule du lendemain est encore interdite, malgré son statut de contraceptif oral non abortif approuvé par l’Organisation mondiale de la santé.

Kristjanna a contribué à la création du collectif Somos Muchas (Nous sommes nombreuses). Les chefs religieux, les féministes et les groupes de défense des droits de la personne qui en font partie réclament la dépénalisation de l’avortement dans des circonstances exceptionnelles telles que les agressions sexuelles ou le risque pour la santé de la mère.

« Le sujet est d’autant plus délicat que le Honduras est un pays très religieux, souligne Kristjanna. Cependant, le collectif l’a abordé avec des faits en faisant valoir, par exemple, que les jeunes filles courent cinq fois plus de risques de mourir lors de l’accouchement ».

L’activisme du collectif a déclenché un débat national couvert par les médias de tout le pays et généré une immense vague d’appuis d’éminents experts, dont le pré-sident de l’Association nationale des gynécologues et obstétriciens. Si leurs efforts n’ont malheureusement pas suffit pour décriminaliser l’avortement avant le départ de Kristjanna, cette lutte demeure un enjeu prioritaire pour le collectif.

Gilda Rivera, la directrice générale du Centro de Derechos de Mujeres, souhaite voir plus de jeunes femmes lutter pour leurs droits et vivre comme elles l’entendent. Pour Gilda Rivera le bonheur est un droit à défendre, comme tant d’autres pour lesquels elle se bat. Kristjanna partage son point de vue!

« Être témoin de la situation des femmes dans un pays où le contexte est très différent du nôtre me fait apprécier ce que nous avons au Canada, souligne Kristjanna. Et la lutte est loin d’être terminée. »