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Récits

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Photo: Brian Atkinson L’application Champs au bout des doigts donne accès à des données météo en temps réel aux agricultrices et agriculteurs camerounais.

Cet article a paru pour la première fois dans Le Devoir le 2 novembre 2019

Par Catherine Couturier
Le Devoir

Les changements climatiques touchent particulièrement les pays en développement. Les femmes et les enfants, surtout, sont aux premières loges de ces conséquences, compte tenu du rôle important des premières dans la production agricole en Afrique.

Augmentation des sécheresses, météo instable : au Cameroun, les changements climatiques ont des répercussions bien concrètes. « Les pluies ne sont plus aussi régulières, toutchange d’un moment à l’autre. Les femmes ne savent plus à quel moment planter, récolter, sécher les récoltes », explique François Awounke, représentant de CUSO international au Cameroun. Le projet  Accroître la résilience des cultivatrices vise ainsi à donner un accompagnement technologique et technique pour réduire l’écart entre les femmes et les hommes en agriculture. Cette initiative a été menée de concert avec le ministère de l’Environnement et de la Protection de la nature, le ministère de l’Agriculture, du Développement durable et l’Institut de recherche agricole pour le développement du Cameroun.

Le projet pilote a donc développé l’application pour téléphone intelligent Champs au bout des doigts , qui donne accès à des données météo en temps réel, en plus de donner de l’information sur des techniques de plantation modernes pour la banane plantain, le manioc et le maïs. « Ça permet de réduire l’écart entre les centres de recherche et la communauté, en faisant découvrir par exemple les nouvelles variétés développées », explique M. Awounke.

L’application offre également une plateforme pour échanger entre cultivatrices et poser des questions. Que faire en cas d’attaque de chenilles, ou lorsque les feuilles jaunissent ? Les questions sans réponses sont transférées à un centre de recherche, donnant accès en un temps record à des informations qui peuvent aussi profiter à tous les planteurs.

Le projet pilote effectué dans quatre villages de la commune d’Awaé, au Cameroun (deux villages pilotes, et deux témoins), rassemblait une quarantaine de femmes en tout. L’équipe a pu tester l’application et la modifier selon les commentaires des utilisatrices, et à la lumière de quelques défis. « Nous devons continuer à sensibiliser les gens à l’utilisation de l’application », explique M. Awounke… encore faut-il pouvoir allumer le téléphone. « Un des grands problèmes au Cameroun par rapport aux changements climatiques, c’est que l’électricité est souvent coupée dans les villages », explique M. Awounke, entre deux coupures de communication.

Autre obstacle : les données libres météorologiques utilisées dans l’application ne tiennent pas compte des petites variations locales. « Certaines utilisatrices nous disaient qu’il était censé pleuvoir ce jour-là, mais à cause du vent, la pluie était tombée dans le village voisin », raconte le responsable au Cameroun. On réfléchit donc à la possibilité d’installer de petites stations météorologiques pour corriger les données des stations mondiales.

Le projet démarré en 2017 semble prometteur : « Les jeunes sont davantage attirées par l’application et l’utilisent plus régulièrement. » Malgré la fin du projet pilote cette année, CUSO international est à la recherche de financement pour poursuivre l’expérience, et souhaiterait étendre le projet aux cinq zones écologiques du Cameroun.

Faciliter l’accès à l’énergie solaire

Transférer l’expertise plutôt qu’installer soi-même une technologie : voilà le pari qu’a fait le Partenariat pour le développement des communautés (PARDEC). « Je fais le parallèle avec l’ordinateur : aujourd’hui, tout le monde y a accès, c’est un simple outil de travail. Je ne peux pas croire que la technologie solaire doit être réservée aux experts », avance Baudoin Kutuka, directeur de PARDEC. L’organisme a donc mis sur pied un projet pour former des femmes d’Aguelmous, au Maroc, aux technologies solaires appliquées. Celui-ci a été mené en collaboration avec la commune d’Aguelmous, et a été financé par le pupitre Maghreb du ministère des Relations internationales dans le cadre d’une coopération bilatérale entre le Québec et le Maroc.

Pour permettre aux femmes de palier les sérieux problèmes d’énergie, d’eau potable et de développement de l’agriculture de la municipalité, une formation s’étalant sur 48 heures a donc été offerte à huit femmes de milieux ruraux (six d’entre elles l’ont terminée). Des formateurs détachés par la filiale marocaine du Conservatoire national des arts et métiers de Paris (CNAM) ont assuré la formation sur la technologie solaire (comment poser les panneaux solaires, les orienter, etc.). PARDEC s’est occupé de sensibiliser les participantes à l’impact des composantes énergiques sur l’environnement et sur la gestion de l’équipement désuet (batterie, cellule voltaïque).

« Dans les pays d’Afrique, la femme est une vraie machine. C’est la cheville ouvrière de la production agricole. Elle va dans les champs, puise l’eau, prépare la cuisine et nourrit la famille », raconte M. Kutuka. Celles-ci sont donc aux premières loges lorsqu’un changement climatique survient, et doivent aller chercher le bois ou l’eau de plus en plus loin. En leur transmettant les compétences et les connaissances requises pour installer de petites centrales solaires, PARDEC et ses partenaires espèrent ainsi leur faciliter la vie : connecter une pompe pour un meilleur accès à l’eau potable, ventiler ou éclairer leur maison, etc.

Le projet visait également à développer l’entrepreneuriat des femmes grâce à la mise sur pied d’un groupe de travail . Les femmes formées travailleront avec la commune d’Aguelmous pour gérer le déploiement de l’énergie solaire dans les villages isolés. Ce faisant, elles gagnent un petit revenu. Le groupe sera également responsable de la gestion des batteries usagées.

Avec des moyens modestes, le PARDEC tente de cibler des besoins très concrets. « En milieu rural, ce sont des éléments très ridicules qui font que les femmes meurent », soutient M. Kutuka. Accoucher la nuit à l’hôpital signifie souvent accoucher sans électricité, à la lumière d’une lampe de poche ou d’une boîte d’huile et un ruban. « Ça ne devrait plus être comme cela aujourd’hui, à une époque où des milliers de personnes pourraient profiter de l’énergie solaire », insiste le directeur de PARDEC.

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