Paver la voie

Récits

Woman with chickens

Même avec 220 poules pondeuses, Chinenye Okon est incapable d’honorer toutes les commandes des restaurants, des hôtels et des vendeurs du marché de Calabar, encore moins celle de ses amis et voisins…

« Je n’arrive pas à répondre à la demande », souligne l’entrepreneure de 37 ans. Chinenye s’est inscrite au projet YouLead (projet d’accès à l’emploi, de création d’entreprises et de promotion du leadership et de l’entrepreneuriat) de Cuso International en août 2016.

Elle a suivi une formation pratique de deux mois dans une ferme, où elle a appris à élever et à commercialiser de la volaille.

« Nous avions des poulaillers ici, explique-t-elle. Nous avons commencé avec des poussins de huit jours que nous amenions à maturité pendant huit semaines avant de les vendre. »

La mère de trois enfants a lancé sa production d’œufs moins d’un an plus tard. « Ça me gardait occupée. Et répondre aux besoins d’autres personnes me procurait un sentiment d’accomplissement, ajoute-telle. Devenir indépendante financièrement m’a aussi donné beaucoup d’autonomie. »

Le projet YouLead offre de la formation en emploi dans plusieurs domaines, dont l’écotourisme, la foresterie, l’aquaculture et l’agriculture. L’objectif du projet est de promouvoir les secteurs des ressources naturelles du pays. L’autonomisation des femmes est une autre facette importante du projet, qui offre aux femmes et aux hommes les mêmes possibilités de formation, d’apprentissage et de mentorat.

Cette autonomisation mène souvent à l’indépendance financière, notamment par l’entremise de l’entrepreneuriat. « On peut prendre soin de nousmêmes et, ce faisant, s’attirer le respect de nos frères, de nos sœurs et de notre belle-famille, souligne Chinenye.

Quand on a sa propre entreprise, on peut gérer son temps et prendre ses propres décisions. » Chinenye prévoit d’ailleurs agrandir son élevage jusqu’à 500 poulets par mois, tout en passant à 1 000 poules pondeuses d’ici la fin de l’année. Elle souhaite acheter des cages pour protéger les œufs, des cartons pour les entreposer et du spécialité : offrir aux organismes sans but lucratif les outils nécessaires pour donner un coup de main aux gens.

En ajoutant une dimension d’égalité homme-femme dans l’affaire, elle favorise l’adoption de politiques et de plans stratégiques visant l’établissement de fondations solides.

« Je veux simplement que les femmes soient en mesure de contribuer à leur communauté de toutes sortes de manières et à tous les niveaux, explique Millicent, une Torontoise originaire du Kenya. Que les organismes fassent du développement jeunesse ou du travail en environnement n’a aucune importance. Des politiques en matière d’égalité des sexes doivent être mises en place. »

Mfon Essien, un partenaire local du projet YouLead, affirme que les femmes sont souvent plus nombreuses que les hommes dans ses formations, étant donné leur vif intérêt pour l’agriculture. Ce cultivateur de la région de Calabar a formé près de 250 entrepreneurs en aviculture et en aquaculture depuis 2016.

Parallèlement à son travail de formateur, il fait de la culture en serre et offre du microfinancement. « Bien des personnes ayant fréquenté l’université n’avaient jamais vu de serres, explique Mfon. D’autres n’avaient jamais vu de poussins d’une journée qu’on élève jusqu’à maturité. »

Les cours pratiques portent sur les soins aux animaux, la gestion des risques, la préparation et la commercialisation des produits et de nombreux autres sujets liés à l’agriculture, à l’économie, au gouvernement et à l’environnement. Un grand nombre de participants démarrent leur entreprise agricole après la formation.

« Nous les encourageons, leur rendons visite et veillons à ce qu’ils soient sur la bonne voie, explique Mfon. Ayant accès à énormément de connaissances et de nouvelles pratiques, ils deviennent conscients des occasions d’affaires. C’est un fabuleux programme. »

Et tous ces nouveaux entrepreneurs en agriculture et en aquaculture stimulent l’économie locale et régionale. D’après le Bureau de la statistique du Nigeria, 55,4 % des jeunes étaient chômeurs ou sous-employés à la fin de 2018.

Avec le projet YouLead, Cuso International vise à réduire le taux « alarmant » de chômage et de pauvreté chez les jeunes, précise Jon Ntewak, qui a fait deux affectations avec Cuso International dans l’État de Cross River et qui se prépare à partir pour la Tanzanie.

En 2017, pendant sa deuxième affectation, il avait notamment pour mandat de visiter des fermes. Il a découvert que les fermiers avaient souvent du mal à obtenir des prêts et à commercialiser leurs produits. Pendant l’une de ses visites, un pisciculteur lui a expliqué avoir de la difficulté à développer une clientèle régulière. Jon l’a donc mis en contact avec le gérant d’un hôtel du coin, qui a commencé à acheter son poisson.

« L’information peut aider à réduire la pauvreté. C’est le cœur de l’affaire, selon moi, et c’est ce qui me pousse à retourner sur le terrain, explique Jon, un travailleur social à la retraite de la Ville de Toronto originaire du Nigeria. Ça m’a fait beaucoup réfléchir. C’était fabuleux! »

Premier entrepreneur de la famille, Offiong Okon est source de fierté pour ses proches. Cet éleveur de poissons-chats de 34 ans a participé à la formation de trois mois en aquaculture, puis aux cours du projet YouLead, à Calabar, afin de développer son savoir-faire entrepreneurial.

« Le programme m’a beaucoup motivé, explique-t-il. Il m’a appris que je pouvais à la fois rêver grand et commencer à petite échelle. »

Offiong, qui a commencé avec seulement 300 poissons-chats a désormais un élevage de 5 000 poissons. Sa ferme — apparemment l’une des plus grosses fondées par des bénéficiaires de Cuso International à Calabar à ce jour — fournit notamment les hôtels de la région.

« Maintenant que je suis un homme d’affaires, je peux payer mes factures et aider mes frères et sœurs. Ça me permet aussi de prendre soin de ma famille, explique ce père d’un enfant. Mon entreprise me remplit de bonheur. »