Mythes de la violence contre les femmes – Au Canada et au Myanmar

Récits

People working at a shared table

Kim Hawkins est actuellement directrice générale du Rise Women’s Legal Centre. Cet organisme sans but lucratif vancouvérois encadre des étudiants de dernière année de droit de l’Université de Vancouver, qui offrent des services juridiques gratuits aux femmes à faible revenu. Récemment, Kim a fait de la coopération volontaire dans un organisme similaire au Myanmar (Birmanie). Elle nous parle ici de son expérience sur le terrain.

Étant avocate et ayant travaillé à plusieurs dossiers de violence faite aux femmes, je sais que de nombreux mythes persistent encore au Canada… Et bon nombre d’entre eux font écho aux histoires que j’ai entendues lorsque j’étais au Myanmar.

L’un de ces mythes est que les femmes mariées sont des victimes passives qui ne parviennent pas à résister à la violence. Un autre veut qu’une femme qui refuse de mettre fin à son mariage ne doit pas subir autant de violence qu’elle le prétend. Certains croient également qu’être mariée « implique » de toujours consentir à avoir des relations sexuelles avec son mari.

Un autre mythe concernant la violence faite aux femmes est que celles qui ont un mode de vie « à risque » (souvent des femmes particulièrement vulnérables en raison du racisme et de leur grande pauvreté) sont responsables de la violence et des abus dont elles sont victimes. Et trop souvent, on n’accorde pas de crédit aux témoignages des femmes qui dénoncent des actes de violence.

J’ai observé d’autres similarités entre les femmes canadiennes et birmanes. Dans les deux pays, bien des femmes décident de ne pas dénoncer la violence qu’elles subissent ou sont mal accueillies par leur famille, leurs amis, les policiers et les juges lorsqu’elles décident de porter plainte. Bon nombre d’entre elles n’ont pas accès à de l’aide juridique et n’ont pas les moyens d’embaucher un avocat. De plus, l’accès à la justice est encore plus difficile en région rurale.

La société s’attend souvent à ce que ce soit les femmes qui modifient leurs comportements (ne pas marcher seule le soir, ne pas entrer dans des lieux « dangereux » et ne pas se plaindre de violence conjugale de risque d’en subir les conséquences, par exemple), au lieu de limiter les libertés de leurs agresseurs. Bref, on trouve, dans nos deux pays, des exemples de limitation des libertés des femmes dans leur vie publique et l’espace public comme solutions à la violence masculine. De plus, la croyance, dans nos deux pays, que les femmes ont déjà obtenu l’égalité avec les hommes peut masquer le travail qui reste à faire à l’échelle systémique pour parvenir à l’égalité pleine et entière.

Au Myanmar, j’ai entendu parler de plusieurs cas de violence faite aux femmes illustrant parfaitement ces mythes. Je pense notamment à une femme victime de viol, que les aînés du village ont décidé d’envoyer travailler en Thaïlande pour éviter de ternir l’image de leur communauté, alors que son agresseur continue d’y vivre librement. Au Myanmar, une femme victime d’agression, quelle qu’en soit l’issue, est marquée pour la honte à tout jamais. Cela peut nuire à tous les aspects de sa vie et l’empêcher de se marier.

Au Canada, nous avons la chance d’avoir des lois plutôt progressistes. La corruption est relativement peu présente, et nous avons accès à plus de technologies et de mécanismes d’application de la loi que les Birmanes. À l’échelle sociale, nous avons fait beaucoup de travail pour parler publiquement de la violence faite aux femmes et pour déboulonner ces mythes. À Vancouver, par exemple, nous avons un fabuleux réseau de groupes de femmes qui collaborent afin d’offrir du soutien aux femmes, dont des services d’interprétation, du counseling, des services juridiques de base et des services de défense des droits. Malheureusement, les listes d’attente sont encore beaucoup trop longues.

En parlant avec Aye Mon Thu et d’autres avocates birmanes, j’ai réalisé à quel point le droit est un moyen brutal, et souvent une arme de dernier recours que l’on utilise lorsque tous les autres modes de résolution de problèmes ont échoué. La loi peut ordonner des changements, mais elle ne peut microgérer les subtilités des relations humaines.

C’est à nous que revient cette tâche. Nos cultures, tant au Myanmar qu’au Canada, doivent faire le gros du travail en ce qui concerne l’égalité des femmes.

Nous espérons de tout cœur que vous ferez un don sans tarder pour nous aider à envoyer notre prochaine cohorte de coopérants-volontaires sur le terrain, où ils participeront à des projets porteurs et novateurs.