À la rencontre des sages-femmes : Emmanuel Nicus Nyagor

Récits

Man smiling at the camera

Par Ruby Pratka
Conseillère en communication et volontaire de Cuso International avec Les sages-femmes sauvent des vies

Emmanuel Nicus Nyagor rejète poliment l’offre d’un interprète en entrant dans la salle de maternité d’un hôpital à Kahama, au nord de la Tanzanie. Il est arrivé avec un petit groupe de sages-femmes pour discuter de la planification des naissances avec des nouvelles mères dans le cadre d’un atelier sur la planification familiale.

En 2010, quand Emmanuel a été affecté pour la première fois au district rural d’Ushetu, la situation était tout autre. A Ushetu, la plupart de la population parle sukuma. Formé en swahili et en anglais, originaire d’une communauté de langue luo près de la frontière kenyane, Emmanuel ne parlait pas un mot de la langue locale à son arrivée.

« Beaucoup de mères s’adressaient à moi en sukuma, et je n’y comprenais rien, mais dès le début, je voulais apprendre la langue, » se rappelle-t-il. Il faisait souvent appel aux collègues et aux membres de la communauté pour faire les interprètes lors de ses conversations avec les mères.

« On a continué comme ça pendant un an ou deux, et je commençais à comprendre plus en plus de ce qu’on me disait en sukuma, dit Emmanuel. Maintenant je connais beaucoup de mots. »

Il est assez à l’aise avec la langue pour bavarder et rire avec les mères dans la salle d’accouchement, et parler de la planification familiale avec Elizabeth Maduhu, une agricultrice sukuma qui vient de donner naissance à son septième enfant.

Sa volonté de s’adapter à la langue et la culture du pays sukuma, en plus de ses compétences d’infirmier sage-femme, ont contribuer à lui faire une bonne réputation dans la communauté où il travaille.

« Beaucoup de parents dans le village donnent mon nom à leurs enfants, il dit, le sourire aux lèvres. Si le bébé est un garçon, ils l’appellent Emmanuel. Je suis un homme marié, alors si c’est une fille, la maman ou le papa donne à la petite le nom de ma femme, Catherine. Il y a beaucoup de petites Catherine ici! »

En Tanzanie, les sages-femmes jouent un grand rôle dans la santé publique. Elles éduquent les mères pour qu’elles sachent reconnaitre les signes avant coureurs d’une grossesse à haut risque, et parlent de l’importance de la planification des naissances et de l’encadrement des naissances par un professionnel de la santé compétent, comme une sage-femme, une infirmière ou un médecin.

« Le premier grand défi pour les sages-femmes en Tanzanie, c’est que beaucoup de mères arrivent trop tard pour recevoir notre aide, dit Emmanuel. Un autre défi, c’est que beaucoup de femmes — beaucoup de personnes en général– ne sont pas conscientes de ce que les centres de santé peuvent leur offrir. »

Emmanuel a participé aux formations sur les compétences en soins obstétricaux d’urgence et en planification familiale postpartum, offerts par le biais du projet Les Sages-femmes sauvent les vies, une initiative mise en œuvre par Cuso International en partenariat avec l’Association canadienne des sages-femmes et l’Association tanzanienne des sages-femmes (Tanzanian Midwives’ Association, TAMA).

« Si une organisation comme Cuso veut aider les sages-femmes de la Tanzanie à mieux pratiquer leur profession, continuez de faire ce que vous avez fait; continuez de nous offrir des opportunités pour améliorer nos compétences, dit Emmanuel. La formation en planification familiale postpartum m’a aidé à mieux faire mon travail et à mieux éduquer et conseiller les familles. Ça m’a aidé avec beaucoup de choses. »

Emmanuel vient d’une longue lignée des professionnels de la santé; sa grand-mère et sa mère étaient des sages-femmes et son père était médecin. Il se rappelle, en détail, du premier accouchement auquel il a assisté.

« C’était en 2009. J’étais encore étudiant. Il était tard le soir et j’étais à la maternité, raconte-t-il. Quand je suis entré dans la salle d’accouchement, j’ai vu la mère pousser. Je n’ai même pas eu le temps d’appeler qui que ce soit! La mère a accouché d’un petit garçon. Quand mon superviseur est venu, il a vu que je m’étais déjà occupé de l’accouchement, et il a apprécié. C’était mon premier accouchement, et maintenant je fais des accouchements tout le temps. »

Même après une décennie de pratique et des longues heures de travail, il apprécie chaque naissance. Pour Emmanuel, être sage-femme nécessite des mains compétentes et un coeur dévoué.

«Quand tu choisis de travailler en santé, tu es censé le faire pour aider les gens. Mon conseil serait d’aimer ton travail, afin de mieux aider les gens. »

Le projet Les Sages-femmes sauvent des vies est une initiative de quatre ans qui couvre le Bénin, la RDC, l’Éthiopie et la Tanzanie. Mené par Cuso International en partenariat avec l’Association canadienne des sages-femmes et des associations des sages-femmes locales, le projet contribue à la réduction des décès maternels et périnataux en renforçant l’offre et la demande des services de santé et la capacité des associations des sages femmes. Le projet Les Sages-femmes sauvent des vies est financé par le gouvernement du Canada par l’entremise d’Affaires Mondiales Canada.