Nous y mettrons fin : Des Béninoises du Nord du pays luttent pour mettre fin aux mutilations génitales féminines

Récits

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Agnès* se souvient trop bien de la douleur qu’elle a ressentie. Assise sous un arbre en compagnie de trois femmes de son village, elle discute librement et franchement des mutilations génitales féminines (MGF) et de ce qui se passe avant, pendant et après la procédure.

« Nous nous souvenons de notre douleur. Nous connaissons la douleur que les fillettes ressentent, explique Agnès. Nous pleurons parce que nous connaissons leur peine. »

Chaque année, plus de 3 millions de filles risquent de subir des MGF. L’Organisation mondiale de la santé rapporte que plus de 200 millions de filles et de femmes ont subi cette violation extrême de leurs droits.

Note de la rédaction : Le nom des femmes et des lieux mentionnés dans ce texte ont été modifiés. Nous avons obtenu l’autorisation des personnes figurant sur les photos. Photos de Brian Atkinson

Au Bénin, il existe désormais un mouvement de défense des droits des femmes et de lutte contre les MGF. En 2003, le pays a adopté une loi interdisant cette pratique. Le taux de MGF dans ce pays s’élève aujourd’hui à 13 %.

Malheureusement, l’excision est encore solidement enracinée en région rurale. Dans certains villages, plus de 70 % des femmes et des filles subissent cette violation de leurs droits fondamentaux.

Agnès est présidente de l’Association des femmes de son village du Nord du Bénin. « Les choses changent, souligne‑t‑elle. Avant, c’était obligatoire. Toutes les filles de la communauté devaient être excisées. Ce n’est plus le cas. »

Agnès et d’autres leaders du village jouent un rôle essentiel dans la réussite du projet.

Cuso International a lancé le projet Femmes engagées pour la dignité humaine dans le Nord du Bénin grâce au financement d’Affaires mondiales Canada. Ce projet de trois ans permettra de venir en aide à des dizaines de milliers de fillettes et de survivantes de violence sexuelle.

Le projet mise sur l’éducation, le soutien des fillettes et des survivantes et la participation des hommes et des garçons à des discussions sur les relations positives. Son objectif : veiller à ce que les intervenants locaux aient les ressources et les liens nécessaires pour offrir des programmes et devenir des champions du changement durable dans leur communauté.

Pour Agnès, l’éducation est la clé pour mettre fin une fois pour toutes aux MGF. Elle voit déjà des retombées positives dans son village.

L’opposition aux MGF augmente lorsque les filles fréquentent l’école.

« Lorsqu’elles vont à l’école, elles apprennent que ce n’est pas une bonnepratique, explique Agnès. De retour à la maison, elles disent : “Pitié, ne faites pas ça à mes petites soeurs”. Celles qui ont la chance d’aller à l’école mettent fin à cette pratique. »

Les MGF augmentent le risque d’avoir des problèmes de santé à court et à long terme : hémorragies incontrôlables, infections et déchirures excessives lors de l’accouchement, par exemple. Et comme c’est illégal, l’excision a souvent lieu en secret.

De plus, bien des familles choisissent de ne pas obtenir de soins médicaux professionnels en cas de complication, par peur de représailles. Rébéca, sage-femme en chef d’un hôpital régional, constate que les filles et les femmes excisées sont souvent soignées à domicile.

Rébéca Sacca, sage-femme en chef, et Lydie Bapognigde, infirmière en chef.

« Les familles ne veulent pas les amener à l’hôpital parce qu’elles savent qu’elles auront des problèmes avec la justice. On ne le saura pas si l’une d’elles meurt à cause de ses mutilations, explique Rébéca. Nous saisissons toutes les occasions de parler aux femmes lors des rencontres de la planification familiale. Nous leur parlons des MGF et de leurs conséquences. La solution n’est pas de les forcer, mais de les informer pour qu’elles voient le côté sombre de l’excision. »

Cuso International s’est associé au gouvernement du Bénin, au Fonds des Nations Unies pour la population (FNUAP), et les organisations locales pour mener à bien ce projet. Ensemble, ils travaillent avec Agnès, Rébéca et d’autres agents de changement dans les communautés cibles pour tisser des liens de confiance et jeter les bases d’un changement durable.

« Les communautés participent activement au projet, explique Ernestine Denami, représentante de pays de Cuso au Bénin et gestionnaire de programme pour ce projet. Les leaders auront les outils pour lutter contre les MGF dans leur communauté. Ils élaboreront des plans d’action et recevront l’aide d’animateurs pour modifier l’environnement social de façon à favoriser l’abandon des MGF. »

Sous l’arbre d’Agnès et de ses amies, le soleil a poursuivi sa course. Ce fut une journée remplie de discussions difficiles. Pourtant, les femmes sont tout sourire. Elles veulent que ces pratiques prennent fin. Elles veulent faire partie de la solution.

« Si nous pouvons aider les gens à comprendre, ils pourront arrêter, explique Agnès. Nous sommes prêtes. Nous allons y mettre fin. »

*Nom fictif